Critique du bouquin de base en VO.
Par Patatovitch
Enfin, un jeu de rôle officiel dans l'univers de Warhammer 40,000 !!
ASPECT GENERAL
Le bouquin est magnifique, lourd et solide. Parfait pour le projeter sur un joueur récalcitrant. J'aime. Il est aussi plein de couleurs et d'illustrations. Ces dernières sont généralement très soignées et sont pour la majorité des reprises d'Inquisitor ou d'autres des divers ouvrages de Wh40k. Il me semble que seules les images couleurs sont des créations.Un bémol cependant pour moi qui aime Paul Bonner, il manque un coté ironique aux illustrations qui accentuerait leur réalisme : là tout le monde est mortellement triste et tout manquent carrément de vie et par là même de vraisemblance. Une autre remarque sur les illustrations : trop d'implants bioniques partout ! Comme on peut le constater dans la section équipement, la bionique coûte très cher et n'est pas à la portée du premier -ni du second- venu.
Le texte
Bon, je connaissais le bouquin de règles de WFRP1 par coeur, je ne suis pas dépaysé car le découpage est en gros le même. Le texte est aéré et plutôt facile à lire, à défaut d'être vraiment agréable (ça, ça vient de l'anglais).
Les personnages
8 classes rigides de PJ. On se croirait revenu à AD&D. Bon. Pourquoi pas, le 41ème millénaire n'est pas le royaume de la flexibilité. Certaines classes de perso sont cependant un peu étranges : « assassins » (ils n'étaient cantonnés dans les temples ceux-là ?) ou « scum » (les inquisiteurs recrutent chez les fouisseurs maintenant ?). Je pense que c'est plutôt les noms de classes qui sont mal choisis.
Les règles
D'ailleurs, les règles ressemblent aussi à WhJdR V1. Les D6 sont remplacés par des D10. Le reste est assez proche. Elles semblent plutôt claires. Le système d'action et de demi-action présente plutôt bien. Une foule dense de compétences à connaître. Ça aussi, c'est comme WhJdR V1.
L'arsenal
La plupart armes communes de 40k y sont (hé ! il y a même la grenade hallucinogène !). Il manque cependant encore beaucoup d'armes exotiques du Rogue Trader. Regardons le lasgun : dommage 3+1D10. Un PJ ou PNJ a généralement un bonus de 3 en Endurance et une modeste armure (mettons 2 ou 3) et une dizaine de PV. Il faudra bien 2 ou 3 tirs pour tuer un gus. Pas glop ça.
Le bestiaire
Hum... Gros gros point faible ce bestiaire. J'ai l'impression que tous les PNJ sont des lavettes à coté des PJ. Pourquoi personne ne dépasse 35 en BS ? Je ne vois pas l'intérêt de présenter autant d'humains si proches les uns des autres. Les extraterrestres sont visiblement gardés pour un supplément prochain. De ce coté-là, c'est pas mal. Sur les planètes impériales, il serait mal venu que les MJ décident qu'il y ait des aliens à tout va.
LE BACKGROUND
Taran est un site de fluff, on sera donc plus prolixe sur cette section. Le background de Dark Heresy est divisé en trois parties :
L'Imperium et l'Inquisition
Là aussi, en gros c'est correct. Les diagrammes présentant l'Imperium et l'Inquisition me sont particulièrement peu lisibles. On voit l'organisation de l'Imperium à travers le prime déformant de l'Inquisition ce qui a tendance à exagérer l'importance et l'activité de cette dernière.
Du coup, les autres organes impériaux ne me semblent pas assez mis en valeur (Ministorium en particulier). On reprend largement le fluff d'Inquisitor qui est contestable sur plusieurs points (factions, Ordo,...) et la Deathwatch n'existe pas (cf plus loin).
En effet, selon moi, le background de l'Inquisition tel que présenté dans Dark Heresy, Inquisitor et quelques autres ouvrages et romans récents est bancale.En premier lieu, cela n'est pas conforme aux écrits précédents : le Rogue Trader et Slaves to Darkness parlent déjà de l'Inquisition.Selon StD, il n'y que deux Ordos : le Malleus (qui s'occupe des démons et qui est très encadré) et l'Ordinarius qui s'occupe de tout. En gros, les inquisiteurs « ordinaires » sillonnent l'Imperium et en cas de gros pépins (en général un démon majeur...), ils appellent le Malleus à la rescousse. Des chevaliers gris sont pré-positionnés un peu partout pour intervenir pas trop lentement. Les démons sont la seule vraie grande terreur de l'Imperium : le secret qui entoure leur existence réelle est absolu sous peine de mort – pour les péquins moyens – ou de lavage de cerveaux – pour gens importants. La segmentation en trois grands Ordo (et en une multitude d'autres petits comme l'Ordo Sicarius cité dans le Codex Assassin V2) telle que décrite dans Dark Heresy n'est pas très logique. Lorsqu'un Inquisiteur ou ces acolytes commence une enquête, il ne sait pas sur quoi il va tomber. Un culte vampire ? Un culte du Chaos ? Un culte genestealer ? Tout cela peut se ressembler voire être très emmêlé. On connaît des patriarches genestealers possédés par des démons (cf Compilation), c'est un grand classique.Faudrait-il que les inquisiteurs se désaisissent systématiquement des enquêtes qui ne sont pas du ressort de leur Ordo ?
Lisez : la page de Taran sur l'Inquisition pour plus de détails.
- Factions, conclaves et cabales
Dans le jeu Inquisitor, en plus des Ordos, on observe de nombreuses factions qui regroupent les inquisiteurs qui partagent les mêmes idées sur le meilleur moyen de défendre l'Imperium. De nombreux courants de pensées courent ou ont couru aux fils des âges au sein de l'Inquisition. On observe schématiquement deux types de factions : puritaines et radicales. A lire Inquisitor, il semblerait que les Inquisiteurs passent leur temps à palabrer, alors que normalement, ils ont peu de contact entre eux et avec leur hiérarchie (vu les temps de transport). De tels débats, s'ils ont lieu, doivent être limités aux retraités de l'Inquisition sur Terra ou Titan. Il est cependant certain que les inquisiteurs peuvent avoir certaines idées bien arrêtées sur la manière de mener leurs affaires, c'est le cas des Illuminatis par exemple (qui ne sont même pas décrits ici...). De là à ce que les inquisiteurs se battent entre eux, il y a un pas que je ne franchirais pas.
Les conclaves et les cabales décrits dans Dark Heresy tentent à faire penser que l'Inquisition est organisée de manière très verticale or l'indépendance des inquisiteurs et une organisation très horizontale ressortaient plutôt de l'ancien fluff.
- L'empiètement sur l'Adeptus Arbites
A la lecture de Dark Heresy et surtout d'Inquisitor, on a l'impression que les inquisiteurs sont partout et qu'ils font tout. Or les inquisiteurs sont rares (on ne va pas donner à tout le monde l'autorisation de raser les planètes) et il n'y a pas que l'Inquisition qui a des enquêteurs. L'Imperium a une police nombreuse, des tribunaux et des juges : l'Adeptus Arbites. Cet organe de l'Imperium est scandaleusement ignoré (à l'exception d'une citation dans le secteur Calixis) : les enquêteurs de l'AA sont pourtant beaucoup plus nombreux que ceux de l'Inquisition et c'est leur rôle de vérifier si les lois impériales ne sont pas bafouées. Et l'une des lois impériales les plus importantes concerne le contrôle des psykers qui incombent aux gouverneurs planétaires...
En fait, les agents de l'Adeptus Arbites et ceux de l'Inquisition doivent travailler sur les mêmes sujets et souvent collaborer.
- Le problème des Soeurs de Bataille
Les soeurs de bataille de l'Adepta Sororitas existent depuis le Rogue Trader (une illustration et un paragraphe). Leur Codex V2 a été écrit par Gavin Thorpe (et c'est à peu près le seul truc qu'il a fait de bien en V2). Il n'y a aucune allusion à l'Inquisition. Les SoB sont une force armée entretenue par et pour le Ministorium toléré par le Décret de Passivité.C'est le Codex "Chasseurs de sorcières" V3 qui décide que l'Inquisition (en particulier l'Ordo Hereticus) et les SoB seraient liés. Les "I" que les Soeurs de Bataille portent sur leurs uniformes, signifient Imperator ou Imperium en aucun cas Inquisition !
Enfin, les soeurs de batailles sont rares : 6 ordres d'environ 8000 soeurs basés sur deux planètes différentes (Ophelia VII et Terra) : on ne peut les trouver partout dans la galaxie.
- La Death Watch
L'existence de la Death Watch est absurde (d'ailleurs, son existence n'est mentionnée que dans un paragraphe particulièrement concis). Elle ne doit son origine qu'à une figurine sculptée pour le jeu Inquisitor...
Ainsi, on nous explique il faudrait à l'Imperium une force particulière pour combattre les extraterrestres. N'importe quel chapitre Space Marine et n'importe quelle armée de l'Imperium est capable de le faire. De plus, son mode de recrutement est contestable : qui va prendre le temps et l'argent de rassembler les vétérans Space Marines issus de Chapitres différents pour en faire une force de combat homogène ?
En fait, dans l'esprit des auteurs, il s'agit simplement de donner une main armée bien typée à chacun des trois principaux Ordo : Chevaliers Gris pour l'Ordo Malleus, Soeur de bataille pour l'Hereticus et Death Watch pour le Xenos, sans vraiment réfléchir à la vraisemblance...
Le secteur Calixis
On peut se réjouir de voir un coin de la galaxie complètement ignoré mis en lumière. Du coup, je trouve les mondes impériaux un peu nombreux pour un secteur aussi pommé (sans parler du nombre impressionnant d'inquisiteurs en activité)... D'un autre coté, on est proche de l'ancien domaine eldar. Ces derniers ont pu terraformer les mondes en grand nombre dans ce secteur-là. On constate la grande hétérogénéité des mondes impériaux quoiqu'ils donnent tous avec excès dans le lugubre. Certes tout n'est pas rose dans l'Imperium mais tout n'est pas aussi noir. L'Histoire véritable de l'Humanité montre que les hommes moyens ont besoin d'un minimum de confort sous peine de rébellion, de suicide ou de migration...
Cependant, la description de la planète "capitale", Scintilla, est plutôt bien faite. Un point est à mon avis à préciser. Cette notion de "capitale" de secteur avec, à sa tête un gouverneur de secteur est assez bizarre lorsqu'on sait la difficulté des transports dans l'Imperium et le maître-mot du développement impérial : isolationnisme. Jusqu'à présent, on ne connaissait que le commandeur de Segmentum aux responsabilités essentiellement militaires.
Vu le nombre de mondes impériaux dans la zone, une base Space Marine n'aurait pas dépareillé.
En outre, le bouquin n'est pas clair sur certains points : il ne contient même pas les notions de base d'astronomie sur les système stellaire. A regarder la carte, on dirait que les planètes se baladent dans le vide voire tournent autour de Scintilla. En fait, il faut évidement considérer qu'elles ont chacune une étoile. Ça peut paraître évidement mais faut-il encore le dire. De même, la carte n'a pas d'échelle. C'est ballot pour calculer les temps de transports. Dark Heresy ne parle quasiment pas du voyage Warp, des navigateurs et de la distortion temporelle (cf. La galaxie et Warp). Il s'agit là un manque assez important.
- La description du vaisseau chartiste
Dans le même ordre d'idée, la description du Misericod est, selon moi, complètement à coté de la plaque. Je vois les vaisseaux chartistes comme d'immenses machines mais je ne pense pas que l'équipage soit l'équivalent de la population d'une ville. C'est inutile et coûteux pour des voyages qui sont relativement rapides ! Et on ne parle même pas du navigateur, organe fondamental s'il en ait.
Je pense qu'il est plus vraisemblable considérer que les vaisseaux de commerce ont un équipage relativement réduit (genre quelques centaines de personnes maximum).
- L'astre Tyran
Beaucoup de lignes en vérité pour dire qu'on en sait rien et toutes les hypothèses sont plausibles ! Ça fait beaucoup penser à Morrslieb du monde de Warhammer Batlle. On retrouve un défaut récurent dans le bouquin : beaucoup d'informations sont indiquées subjectivement. Par exemple, il y aurait un centre astropathique dans la forteresse de l'Inquisition. Le moins qu'on puisse attendre d'une section background, c'est qu'elle donne des informations sûres aux MJ !
CONCLUSION
Dark Heresy donne une nouvelle dimension à l'univers de Warhammer 40,000. En effet, jusqu'à présent, seuls les passionnés extrêmement bien documentés sur ce jeu y voyait autre chose qu'un bête jeu de guerre à figurines où des Space Marines aux hormones massacrent des orks musculeux ou des cafards géants.
L'homme, la problématique des psykers, le Chaos insidieux et la politique impériale sont au coeur de Dark Heresy et en donnent tout le souffle. Les Space Marines et les extraterrestres ne sont même pas décrits et on s'aperçoit qu'ils ne sont même pas nécessaires à rendre cet univers passionnant et à offrir des heures et des heures de jeu. Bref, les fans apprennent qu'il n'y a pas que la guerre au 41ème millénaire !
Si les remarques faites plus haut peuvent paraître aigres, il ne faut pas se tromper : cela fait 15 ans qu'on attend un jeu de rôle sur Warhammer 40,000 et il serait idiot de bouder son plaisir. Le système de règles tient la route, les carrières et les progressions sont plutôt bien pensées, voilà qui suffit. Le reste -les scénario et le background- appartient aux maîtres du jeu.
J'apprécie particulièrement :
On peut juste regretter que personne, chez GW, ne relise autrement que superficiellement ce qui a été écrit auparavant. D'où des incohérences regrettables... et parfois l'obligation de réinventer l'eau tiède.